Reflets & Nuances
Depuis les récentes successions de canicule, grandes enseignes comme collectivités revoient
leurs toits en blanc. À côté de procédés de membrane, SEL ou tôle d’acier nervurées entre les mains des étancheurs et des couvreurs, la demande pour des peintures réflectives explose. Mais qu’en est-il de ces procédés de cool-roofing qui offrent aux peintres la perspective de nouveaux marchés ?
Une alternative passive simple et économique pour des bâtiments plus frais ?
Le principe de cool roofing fait consensus : de l’Ademe (agence de la transition écologique) qui propose de recourir au cool roofing dans son guide Rafraîchir les villes jusqu’aux hautes sphères environnementales du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental pour le climat). Selon un de ces rapports de 2022 « peindre les toits en blanc permettrait d’économiser 1 giga tonne par an d’émissions de GES (gaz à effet de serre), soit l’équivalent de 250 millions de véhicules ». Il existe plusieurs solutions de cool roofing : membranes d’étanchéité, SEL, couvertures et peintures réflectives. Les peintures réflectives seraient l’une des solutions les plus rapides et les moins coûteuses d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. Si la technique émerge en France sous les assauts des vagues de chaleur qui s’intensifient,
depuis 2009, au moins un million de mètres carrés de toits ont été blanchis à New York et plusieurs millions de mètres carrés aux USA, « et avec tous les excès que l’on peut connaître dans ce pays qui va jusqu’à peindre des routes en blanc comme à Los Angeles », s’amuse Philippe Berthoux, directeur général de l’entreprise Solar Paint, spécialisée dans la mise en oeuvre de peinture réflective de toiture. Qui ne date pas d’hier. « Depuis 2 500 ans, les Grecs
peignent leurs bâtiments en blanc se fondant sur le principe d’albédo selon lequel plus un corps est clair, plus il renvoie les rayons solaires ». CQFD : peindre en blanc une toiture sombre capable de grimper jusqu’à 70 °C en été, peut abaisser cette température. Et de fait, limiter l’augmentation de température à l’intérieur du bâtiment. L’idée est loin d’être incongrue. L’entreprise toulousaine Solar Paint, par ailleurs filiale d’International ColorGroup, spécialisé dans les services à l’industrie (application de systèmes industriels de protection anticorrosion, ingénierie, expertise et formation), a ainsi développé durant deux ans, en partenariat avec un fabricant, une solution made in Occitanie, capable de renvoyer 92 % des rayons du soleil. Les généralistes de la peinture ont aussi investi ce créneau : chacun d’entre eux propose un système thermo-réfléchissant dédié à la peinture réflective.
Attention aux performances annoncées Utiliser une peinture aux propriétés réfléchissantes
à haute émissivité pour limiter l’absorption des radiations solaires par le toit et permettre de baisser de manière passive la température d’un bâtiment, peut séduire. Mais Philippe Berthoux le rappelle : « La priorité n’est pas d’intervenir sur des bâtiments très bien isolés de type RE 2020 mais sur des bâtiments nécessitant une baisse des coûts de climatisation et une baisse des températures intérieures durant la période estivale » avec des économies sensibles à la clé. Comme pour ce bâtiment industriel à Château-Thierry (02) : « depuis les flambées du prix de l’électricité, ce maître d’ouvrage paie une facture annuelle d’énergie d’1,8 millions d’euros contre 600 000 € un an auparavant. En partant sur des hypothèses un peu pessimistes pour ne pas embellir la mariée, grâce à une peinture réflective sur le toit et en allégeant le poste climatisation, le retour sur investissement pour ce cas est de moins de deux ans », illustre le directeur général. Les peintures réflectives présentent aussi un intérêt sur des bâtiments non climatisés, comme des écoles.« Au cours des dernières périodes caniculaires, certains enfants n’ont pas pu aller en classe à cause de températures étouffantes. Est-ce que c’est normal ? », s’alarme le dirigeant. Faut-il peindre tous les toits tertiaires de France ? « Il est plus pertinent d’intervenir dans des zones fortement exposées à
la chaleur. Mais pour un propriétaire d’un parc dans toute la France, s’ils disposent de bâtiments bien isolés au sud et de passoires thermiques au nord, il faudra traiter ces derniers en priorité », met en évidence Daniel Simon, directeur technique de Solar-Paint. Et face à l’idée selon laquelle un toit blanc demanderait un effort thermique plus important aux bâtiments quand il fait froid, le directeur technique avise : « il faut bien sûr mesurer la pertinence d’une
solution en toutes saisons. Pour autant, les hivers sont de moins en moins rigoureux et à cette période de l’année, les rayons du soleil sont horizontaux. Ils viennent plutôt taper la façade que le toit ». Avec des centaines de milliers de mètres carrés traités de bâtiments tertiaires, Solar Paint peut faire valoir un panel de retours d’expériences. En toute transparence, Philippe Berthoux constate : « face à la demande qui s’accroît, des opportunistes proposent des solutions exotiques avec une surenchère. Ils annoncent refaire l’étanchéité du toit avec une peinture réflective et générer un gain thermique de 70 %. C’est faux ! », s’insurge le directeur général de 0. Et c’est là où le bât blesse.